Le siège de 1240 dans la chronique de Guillaume de Puylaurens - Olivier de Termes, une épopée au XIIIe siècle

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CHAPITRE XLIII.
(...) Comme on perdit et recouvra le faubourg de   Carcassonne.

(...)
En ce même temps, Trencavel, fils de l’ancien vicomte de Béziers,   de concert avec les notables seigneurs Olivier de Termes, Bernard   d’Orzals, Bernard Hugues de Serrelongue, Bernard de Villeneuve,   Hugues de Romegous, son neveu, et Jourdain de Saissac, envahit les   terres du seigneur roi, dans les diocèses de Narbonne et de   Carcassonne; même bon nombre de châteaux tournèrent à lui, Montréal,   Montolieu, Saissac, Limoux, Azillan, Laurac, et tout autant qu’il en   voulut, dans ce premier moment d’élan et d’effroi. De l’autre côté,   entrèrent à Carcassonne les vénérables pères archevêque de Narbonne   et évêque de Toulouse, plus les barons de la contrée et plusieurs   clercs du pays avec leurs gens et effets, se confiant dans la   sécurité que leur inspiraient également la ville et le faubourg; en   effet, l’évêque de Toulouse y descendait souvent, prêchant les   bourgeois, et les réconfortant et prémunissant contre la défection   envers l’église et le roi qui ne souffriraient, comme ils pouvaient   le savoir, que pareille chose durât longtemps. Durant ces   exhortations, la ville se remplissait des moissons et des vendanges,   les murs étaient fortifiés par des travaux en bois, les machines   étaient dressées, on préparait tout pour le combat. Cependant   quelques gens du faubourg se rendirent secrètement avec les ennemis,   s’offrant à les y introduire. En même temps le comte de Toulouse   revenait de la Camargue qu’il avait dévastée, et a son arrivée à   Penautier, près de Carcassonne, il y fut joint par le sénéchal du roi, qui   sortit pour l’interpeller de chasser du pays les ennemis dudit   seigneur roi. Sur sa réponse qu’à ce sujet il tiendrait conseil à   Toulouse, chacun retourna chez soi.

Peu de jours après, l’évêque de Toulouse, dont la langue gracieuse   avait toute efficacité pour adoucir les haines, descendit avec le   sénéchal dans le faubourg, réunit les bourgeois et le peuple dans   l’église de la bienheureuse Marie, et là, sur l’autel de la Vierge   glorieuse, il les lia tous par serment, sur le corps du Christ, les   reliques des saints et les très sacrés Évangiles, à tenir pour   l’église, le roi, ceux qui étaient dans la ville, et à les défendre.   Pub, le jour suivant, fête de la Nativité de la bienheureuse Marie,   ayant reçu des lettres du roi par le même envoyé que les bourgeois   lui avaient député, les prélats et notables seigneurs, enfermés dans   la ville, les montrèrent avec un grand appareil de joie.

Mais, dans la nuit même, il arriva que les ennemis du roi et de   l’église furent introduits dans le faubourg et accueillis nonobstant   les serments; même il en fut prêté alors de tout contraires. Nombre   de clercs qui se trouvaient dans le faubourg se réfugièrent dans   l’église, lesquels, bien qu’ils eussent reçu du prince lui-même et   sous la garantie de son seing, licence d’aller vers Narbonne avec   promesse de sûreté, furent, à leur sortie, assaillis par ces   réprouvés et égorgés traîtreusement au nombre de trente, outre ceux   qui, en plus grande quantité, furent tués près de la porte. Ensuite,   se prenant à miner à l’instar des taupes, les assiégeants   s’efforcèrent de pénétrer dans la ville; mais les nôtres ayant   marché à leur rencontre, pareillement sous terre, les forcèrent, par   blessures, fumée et chaux vive, à abandonner ce travail. Je   n’omettrai pas de rapporter que Bernard Arnaud, Guillaume le Fort et   les autres seigneurs du château de Penautier, bien que le jour   précédent ils eussent juré au sénéchal qu’ils viendraient à lui pour   défendre la ville, le lendemain désavouèrent leur promesse et se   joignirent aux ennemis, aveuglés qu’ils étaient par leur propre   malice, comme méchantes gens qu’ils étaient, ne voyant pas ce que   leur fidélité aurait pu leur valoir ni ce que leur trahison pourrait   leur coûter.

Dans la première attaque, les assiégeants, ayant pris un moulin   défendu par une vieille et mince palissade, tuèrent les jeunes gens   qui s’y trouvaient. Durant le siège, le combat eut toujours lieu de   très près et avec d’autant plus de danger que les maisons du   faubourg étaient presque attenantes à la ville, en sorte que les   ennemis pouvaient, à couvert, lui faire beaucoup de mal avec leurs   balistes et ouvrir des mines sans qu’on s’en aperçût. Au demeurant,   ils étaient traités de la même manière à grands coups de pierres et   de machines.

On combattit ainsi environ un mois, après quoi, des secours   arrivant de France, les ennemis n’osèrent les attendre, et, ayant   mis le feu en plu sieurs endroits du faubourg, ils l’abandonnèrent   aux Français, pour se retirer à l’instant dans Montréal, où ils   furent à leur tour assiégés par l’armée qui les y avait suivis. Là,   après qu’on se fut battu pendant nombre de jours, les comtes de   Toulouse et de Foix arrivèrent enfin, parlèrent de paix, et les   assiégés, sortant du château avec armures et   montures, l’abandonnèrent ainsi que les habitants. Déjà la saison   était si rigoureuse qu’il eût été dangereux pour l’armée d’hiverner   en tel endroit.

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"Olivier de Termes, une épopée au XIIIe siècle"
Une médiation numérique. Une exposition pour l'été 2024.
Une réalisation de la mairie de Termes et de l'Association de Sauvegarde du château de Termes.
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