2. Un seigneur faidit 1211-1223 - Olivier de Termes, une épopée au XIIIe siècle

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2. Un seigneur faidit 1211-1223
La restitution dessinée du castrum d'Aguilar est disponible plus bas...

Carte situant Rocaberti, sur l'axe de communication formé par le col du Perthus.
Carte originale André Constant : https://books.openedition.org/pumi/11043
1212 est l'année de la toute première mention conservée citant Olivier de Termes.

Il s'agit en l'occurrence du testament du Vicomte de Rocaberti (cf carte ci-contre) qui mentionne le fait que s'il meurt sans héritier, et que ses possibles fils meurent également sans héritiers, alors... l'ensemble de ses biens iront à Olivier et Bernard de Termes.
On ne sait ce qu'il en fût... mais il y a là une piste expliquant, à la suite, les moyens d'Olivier de Termes, alors même qu'il a été dépossédé de l'héritage de son père.
Il faut aussi noter la situation géographique de Rocaberti, près du col du Perthus et de l'actuelle frontière franco-espagnole : nous sommes-là dans le voisinage du Vallespir, soit non loin de Corsavy. Un indice pour situer la jeunesse d'Olivier de Termes en ces lieux ?

Sur la jeunesse d'Olivier... il y a très peu d'éléments.
La prise de Constantinople par les croisés, en 1204.
David Aubert (1449-79), Public domain, via Wikimedia Commons
 

Les croisés, les croisades...
Faisons un point, définissons les nuances.

Nous l'avons vu... la "Croisade contre les albigeois" déferle depuis 1209 dans les terres méridionales. La jeunesse d'Olivier de Termes, dont la famille est pour partie gagnée par l'hérésie, est par la force des choses chamboulée. Et ce du fait de croisés, mais qui ne partent pas en pèlerinage vers Jérusalem combattre en "Terre Sainte" !? Une clarification est nécessaire.

A la base, en effet, l'histoire des croisades se déroule en orient, le but étant d'assurer l'accès à Jérusalem. Notons d'ailleurs que les contemporains parlent de "voyage à Jérusalem" ou "Pèlerinage". La terminologie "croisade" n'apparaît que courant XIIIe siècle, et n'est que peu usitée.

Ce pèlerinage armé initié à partir de 1095 a engendré la création d'une série de royaumes et États latins qu'il s'agit de maintenir. Assez régulièrement, de nouvelles expéditions sont lancées par les Papes, voire les Rois de France, notamment. Les pèlerins obtiennent la rémission des péchés, des indulgences, et, pour les chevaliers, la gloire, de potentiels fiefs...

L'idée se voit ouvertement dévoyée à la période qui nous intéresse. Car la quatrième croisade va aboutir à la prise de Constantinople (la capitale de l'Empire Romain d'Orient), au profit de la cité de Venise, et non se prolonger en Terre Sainte. Pour l'anecdote : un certain Simon de Montfort y participe...
 

Le siège de Jerusalem. Copie vers 1175.
Commentary on the Apocalypse by Beatus of Liébana, Public domain, via Wikimedia Commons
    
La proclamation de "L'affaire de la paix et de la foi" (la Croisade contre les Albigeois) est aussi un "développement" du principe premier, puisqu'il n'est nullement question de libérer et protéger Jerusalem. Mais au nom de la défense de l'Eglise, face à des dissidences chrétiennes considérées comme une grande menace, le Pape accorde les mêmes avantages aux participants. Avec notamment aussi la protection des biens et terres des seigneurs absents pour cause de pèlerinage armé... Tandis que les biens et terres des seigneurs méridionaux s'opposant aux croisés sont "exposés en proie", c'est à dire confiscables. Il en va ainsi de la seigneurie de Termes suite à sa prise en 1210...

Le processus connu comme "La reconquista" en oeuvre sur la péninsule ibérique voisine a aussi bénéficié par extension du caractère de "croisade", en raison des ennemis, musulmans. Or, dans ce cadre-là, les seigneurs occitans sont, ou seront (voir la suite) régulièrement partie-prenante et acteurs de sièges et batailles dans l'actuelle Espagne.

Par extension du dévoiement... en faisant un saut dans le temps, mais sans s'éloigner géographiquement, notons aussi qu'une expédition telle que "La croisade d'Aragon" en 1285 est un conflit "politique" entre chrétiens... mais que le Pape du moment qualifie de "Croisade".

Ce développement autour de la notion, la définition de ce qu'est au XIIIe siècle une  "croisade" nous a paru nécessaire... car d'une part, le reflux croisé en orient est pour partie la conséquence des "autres" croisades, plus aisées et avec plus de chances d'en réchapper... et Olivier de Termes sera lui-même croisé, et plusieurs fois, dans sa longue vie !

Vue générale sur le Haut-Vallespir avec les 3 tours de Cabrenç sur la gauche.
Jean Paul Alandry, CC BY-SA 4.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0>, via Wikimedia Commons
Mais revenons plus précisément à Olivier et son entourage...
  
Une nouvelle famille : les Serralongue

Suite à la prise du chef-lieu seigneurial que formait Termes, la dépossession de cette seigneurie au profit d'Alain de Roucy, l'emprisonnement et le décès de son père, Olivier semble donc suivre sa mère dans ses terres du Vallespir. Après une période en otage auprès de Simon de Montfort ? On ne sait...

Ermessende de Corsavy, devenue une riche veuve, tarde peu à se remarier. Et c'est le seigneur catalan Bernard-Hugues de Serralongue qui devient le beau-père d'Olivier. Ses possessions sont voisines de Corsavy, toujours en Vallespir, avec notamment Cabrenç.

Ce mariage prolifique donnera 4 frères et 3 sœurs de plus à Olivier. C'est le genre de situations qui peuvent générer des conflits d'héritage, or, il semble bien que ce ne fût pas le cas : il y a les indices d'une très bonne entente. Olivier semble à la base plus fortuné, d'un rang social supérieur à son beau-père, et il ne convoitera pas l'héritage de Corsavy, qui ira au second fils d'Ermessende et Bernard-Hugues.

Ces seigneurs sont bien entendu dans la mouvance catalane et aragonaise. La question de la poursuite de l'éducation du jeune Olivier à la cour du roi d'Aragon se pose. Par manque d'éléments, ce n'est qu'hypothèses, mais les us et les coutumes font que les seigneurs se déplacent régulièrement auprès de leur suzerain. Il est donc probable qu'Olivier ait pu rencontrer relativement souvent d'autres héritiers empêchés par la croisade contre les Albigeois, d'autres "faydits" occitans.

La cour d'Alphonse II d'Aragon. Liber feudorum maior (ACA, Liber feudorum maior, fol. 1r)
Ramón de Caldes, Public domain, via Wikimedia Commons


Carte postale ancienne de Serralongue.


Tour de Cabrenç, la 3ème.
Aybaba, CC BY-SA 3.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0>, via Wikimedia Commons
Un seigneur riche ? Voici un volet de l'explication :
   
Les mines en corbières et la famille de Termes

Le fer est devenu dès le 1er siècle avant notre ère une consommation courante tant dans le domaine civil que militaire. Un activité sidérurgique importante se développe dans le massif des Corbières sur une superficie d’environ 20 km2. Ses ressources ferrières sont largement exploitées en particulier dans le secteur du plateau de Lacamp sur les communes actuelles d’Albas, Talairan, Villerouge-Termenes, Palairac et Quintillan.

Une quarantaine de mines recensées, et une trentaine de sites de forges, proches de points d’eau, nécessaires à certaines étapes d’élaboration, (lavage du fer extrait, préparation de l’argile pour les fours). Le charbon de bois était indispensable, pour les fours, et ce secteur n’en manquait pas. (Site fortifié de Fourques, secteur de Talairan ses forêts, et la présence d’eau abondante ou la source et la mine de Lacanal secteur Palairac.

Entre le Xème et XIIIème siècle, le début d’une croissance démographique, et la fragmentation du pouvoir, entraînent le contrôle des territoires par de nombreux seigneurs locaux. A cette époque les plus anciennes mentions d’exploitations minières et principalement ferrières dans le secteur du plateau de Lacamp se retrouvent à l’Abbaye de Lagrasse. Elle possédait tous les droits seigneuriaux de Palairac et percevait les revenus de ses mines de fer.


A cette  même époque les seigneurs de Termes tentent et réussissent de s’assurer la maîtrise des mines de fer et d’argent du secteur, quitte à se les accaparer par la force. En effet vers 1175 les textes précisent que suite à un coup de force, les seigneurs de Termes, Pierre Olivier et son frère Raymond, ont spolié l’abbaye de Lagrasse. Il est facile d’imaginer la tournure des évènements dans le cas des conflits opposant les seigneurs de Termes et l’abbaye de Lagrasse : coup de force, rétentions de minerais extraits ou de productions des forges, occupations de mines, lutte pour le contrôle des chemins…

Après la prise de Termes en 1210 et la capture de Raymond de Termes, les nouveaux maîtres de la région, Simon de Montfort, puis Alain de Roucy, puis le roi de France gardent le contrôle des mines. En 1259, un accord est trouvé entre l’Abbaye et Olivier de Termes revenu à la tête de sa seigneurie en 1252. On lui consent la moitié du produit des mines. Dès 1260, Olivier de Termes abandonne progressivement à l’abbaye de Lagrasse tous les droits qu’il possède à Palairac et Quintillan. C’est la fin d’un conflit qui a duré près d’un siècle.

Ce patrimoine est désormais mis en valeur par une association dédiée.
Voir :


Pour les années 1212-1224,
parcourons les quelques étapes historiques essentielles :
Et nous voici donc sur un autre lieu important de la vie d'Olivier :
 
Le Castrum d'Aguilar

Un certain flou historique concerne cette première période du XIIIe siècle au sujet précis d'Aguilar. Pourtant, ce castrum sera assez vite important, vraisemblablement développé par la volonté d'Olivier de Termes. L'installation d'une population plus nombreuse, sur un site ancien pré-existant, se passe t'elle dès les années 1220, voire avant ? Ou est-ce que ce processus vient après 1228, quand le castrum de Termes n'est plus aux mains d'Olivier de Termes et de son frère ?

En tout état de cause, Aguilar va en quelque sorte devenir le nouveau chef-lieu des domaines du seigneur Olivier de Termes. Par rapport à Termes, Aguilar est au sud-est, plus près donc des terres catalanes qu'Olivier a le plus sillonné au cours de sa jeunesse. Le château domine un rare espace plane dans le relief des Corbières, "La plaine de Tuchan", tout en restant assez proche des secteurs d'exploitation minière, tels que Palairac notamment.

Comme pour Termes, la surface du castrum n'a pas bénéficié d'une importante exploration archéologique. Mais comme à Termes, de premières reconnaissances et analyses des quelques vestiges existent. Ici cela a été mis en forme par M Philippe TERES : voir liens ci-après.


Une restitution du castrum d'Aguilar.
Dessin de Alexandre AVARA.

Dans le cadre de ce projet autour d'Olivier de Termes, voici une proposition de restitution visuelle de l'aspect du castrum d'Aguilar, vers 1230. Une hypothèse avec un angle de vue aérien depuis le sud.  

La restitution proposant l'époque "royale" est visible plus loin sur notre interface.



Le castrum d'Aguilar restitué par Alexandre AVARA :
Image agrandie par click.

Plan des vestiges perceptibles du castrum d'Aguilar.
Par Philippe TERES : lien.
Après l'évocation de certains lieux et du contexte de la jeunesse d'Olivier de Termes,
la prochaine partie évoquera le début de sa carrière militaire -documentée- en 1227...
De nos jours...

Tuchan est le nom du bourg-centre qui occupe la plaine du même nom, sous le Mont Tauch. Le château d'Aguilar, ouvert à la visite, est un des Sites du Pays Cathare. Le castrum ne comporte que quelques vestiges dans la garrigue. Les troupeaux sont devenus plus rares, et c'est surtout la vigne qui occupe désormais ce terroir.


Le site d'Aguilar bénéficie de consolidations et d'interventions mêlant maçonnerie et archéologie. L'équipe municipale ainsi que l'Asociation des amis du château d'Aguilar organisent régulièrement des animations.

Les liens :
   
Jcb-caz-11, CC BY-SA 4.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0>, via Wikimedia Commons
Quelques ressources et liens pour en savoir plus :

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"Olivier de Termes, une épopée au XIIIe siècle"
Une médiation numérique.
Une exposition pour l'été 2024.
Une réalisation de la mairie de Termes et de l'Association de Sauvegarde du château de Termes.
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