3. Le siège de Labécède-Lauragais - Olivier de Termes, une épopée au XIIIe siècle

Aller au contenu
3. Le siège de Labécède-Lauragais
La croisade royale de 1226

Quand en janvier 1224, Amaury de Montfort se voit forcé à accepter une trêve et qu'il part en île de France afin d'obtenir du soutien... il se voit invité par le roi de France Louis VIII à abandonner ses droits au profit de ce dernier. C'est la fin de "la Croisade des barons", menée par Simon de Montfort, puis son fils Amaury. Et c'est une défaite : les comtes de Toulouse, Foix, Comminges, et les divers seigneurs faydits tels qu'Olivier et Bernard de Termes retrouvent leurs terres et leurs castrums.

Louis VIII vient alors de reconquérir de larges territoires aux dépens de la couronne d'Angleterre, et connaît le Languedoc. Il a participé à une expédition croisée en 1219, marquée par le sac de Marmande et un siège (infructueux) de Toulouse. La mobilisation de l'ost royal est possible dans ce contexte.

Plus que la question de la lutte contre l'hérésie cathare dans le midi, c'est le principe de l'affirmation de l'autorité royale sur ces terres dont il a obtenu les droits directs, sur lesquelles il est par ailleurs le suzerain, qui motive Louis VIII, dans une époque de rivalité avec l'institution de l'église et le Pape à sa tête.

A l'issue du concile de Bourges en 1225, l'armée royale renforcée de ses contingents de vassaux peut partir en croisade contre les protecteurs d'hérétiques en albigeois. Pour les seigneurs méridionaux, qui ont déjà vécu 17 années de guerre... le fait que ce soit dorénavant le roi lui-même qui soit à la tête de la croisade forme une grande nuance... S'opposer à des vassaux du roi en Croisade est une chose... mais combattre directement le roi, cela en est une autre !

Cession au roi Louis VIII et à ses héritiers de tous les droits accordés par l’Église à son père Simon de Montfort sur le Toulousain et l’Albigeois, février 1224.
Archives nationales, Public domain, via Wikimedia Commons
Louis VIII, roi capétien au court règne
 
-Image du sceau royal de Louis VIII ci-contre-
 
Fils de Philippe-Auguste, père de Saint-Louis, ce roi de la dynastie capétienne n'a régné que de 1223 à 1226. Sa santé lui fait en effet accélérer son retour de croisade en Languedoc, et il meurt avant de rejoindre l'Ile de France, à 39 ans. Mais pour les terres du Languedoc, les décisions de ces années charnière ont certainement raccroché définitivement la région au royaume de France.  

Le siège d'Avignon et la vague de soumissions au roi

L'armée croisée descendant la vallée du Rhône en direction du Languedoc passe par Avignon... la ville garde ses portes closes. Un pont en bois est disponible pour traverser le Rhône, mais le roi souhaite passer par la ville, possession de Raimond VII de Toulouse... en terre d'Empire. La ville est solide, un siège s'organise à partir du 6 juin 1226.

Les maladies font des ravages parmi les assiégeants, leur logistique est harcelée, mais au bout de 3 mois de blocage, début septembre, la ville se rend, à court de vivres. L'ost croisé a été bloqué 3 mois... mais la très grande majorité des seigneurs méridionaux ont pendant ce temps-là fait connaître ou présenter leur soumission.

Par exemple Bernard Othon de Niort ou Nuno Sanç, dès le mois d'avril. La ville de Carcassonne le 16 juin, etc etc... Carcassonne devient à la suite le siège d'une sénéchaussée royale.

Olivier et Bernard de Termes suivent ce grand mouvement et font eux aussi leur soumission. Vraisemblablement, car l'acte, la preuve, n'a pas été gardé, mais divers indices laissent croire que, suite aux efforts diplomatiques de l'abbé de Lagrasse, cela s'est fait en juin 1226. Une chronique affirme en tous les cas que le château de Termes est en juillet 1226 occupé par une garnison royale.  

Au contraire, Raimond VII et Roger-Bernard de Foix ne se soumettent pas. Raimond II Trencavel non plus, mais la révolte des bourgeois de Carcassonne l'oblige à se retrancher au sud, à Limoux.  

L'automne arrive... et la santé du roi de France décline. Il se satisfait de ses succès et repart en ses domaines via le Massif Central.

Extrait de la miniature de Jean Fouquet représentant au XVe siècle le siège d'Avignon de 1226, parmi les évènements de la Grande Chronique de France. En savoir plus.

Blanche de Castille, détail d'une miniature de la Bible moralisée de Tolède, 1240.
La mort du roi et la reprise des hostilités dans le midi

Louis VIII meurt le 8 novembre 1226. Son héritier est trop jeune pour gouverner, la reine Blanche de Castille va assurer une régence. La faiblesse supposée du pouvoir royal, politique du fait de cette régence... militaire en raison d'un contingent réduit resté en Languedoc, crée chez de nombreux seigneurs méridionaux l'espoir de pouvoir vaincre et chasser les garnisons royales.

A Termes, c'est le cas : Olivier et Bernard de Termes récupèrent fin 1226 ou début 1227 le château. Un exemple suivi en de nombreux endroits, les succès sont alors nombreux.

Mais sous l'impulsion de l'énergique Humbert de Beaujeu, Sénéchal de France, le printemps 1227 voit l'armée royale reprendre tous les alentours de sa base, Carcassonne. La résistance occitane, hormis le Toulousain, s'organise principalement autour de Limoux et de Cabaret (les actuels 4 châteaux de Lastours). Il y a un manque de documents sur ces épisodes, mais les quelques témoignages font bien état de "la guerre de Limoux et Cabaret".

Raimond II Trencavel commande au sud, vers Limoux et le Razés..., là où l'évêque cathare Benoît de Termes prêche...  tandis que d'illustres Faidits animent la résistance dans la Montagne Noire et le Lauragais... soit dans l'évéché cathare du Carcassès : Pierre-Roger de Cabaret, Bernard-Othon de Niort... ou encore Olivier de Termes.



Benoît de Termes, évèque cathare du Razés
Communément, il est considéré que Benoît de Termes est le frêre du seigneur de Termes Raimond, le défenseur de 1210. C'est donc l'oncle d'Olivier. C'est en tous les cas un personnage de première importance pour l'histoire des hérétiques cathares.

Benoît est en effet présent lors de la controverse qui oppose catholiques et cathares en 1207 à Montréal... et en 1226, lors d'un concile que la hiérarchie cathare organise à Pieusse... il devient l'évêque cathare du Razés !

Divers détails en suivant ce lien.
Quelques ressources et liens pour en savoir plus :


Le siège de Labécède-Lauragais

Été 1227, les troupes royales d'Humbert de Beaujeu et les méridionaux combattant pour Raimond VII de Toulouse vont s'opposer durement en un lieu : le castrum de Labécède-Lauragais.

Le sénéchal du roi est renforcé de l'archevêque de Narbonne et de l'évêque de Toulouse, avec leurs hommes. Le castrum de Labécède compte parmi ses habitants une communauté cathare relativement importante, et la croisade poursuit l'objectif d'éradication des hérétiques, reformulé dans une ordonnance royale, à la suite du concile de Bourges, comme suit : « nous  décidons que les hérétiques qui s’écartent de la foi catholique, une  fois condamnés pour hérésie par l’évêque du lieu ou par une autre  personne dÉglise reçoivent sans délai la châtiment mérité… ».

La défense de Labécède est assurée sous le commandement de "deux chevaliers énergiques"  : Pons de Villeneuve, le sénéchal comtal de Raimond VII, et Olivier de Termes, qui pour ses possesions en Lauragais, est un vassal du comte de Toulouse.

C'est le chroniqueur Guilhem de Puylaurens* qui relate les choses :


Un jour où il [L'évêque de Toulouse] passait autour de la ville avec plusieurs personnes, ceux qui étaient dedans criaient et l'appelaient, comme des rebelles, "évêque de diables". Ceux qui étaient avec lui disent : "Entendez-vous qu'ils vous appellent evêque de diables ? - Parfaitement, répondit-il, ils disent vrai. Ce sont eux qui sont les diables, et je suis leur évêque."
Le château, fortement attaqué par les machines, est pris. Les chevaliers et les gens à pied s'enfuirent de nuit et en assez grand nombre. Tous les autres que l'on trouva périrent, partie par l'épée, partie par le pal. Le pieux évêque s'efforçait de faire échapper les femmes et les petits enfants à leur sort. Les hérétiques Géraud de Lamothe, un de leurs diacres, et ses compagnons, furent brulés aux flammes des bûchers.
Essai de restitution de la fuite nocturne d'Olivier de Termes depuis Labécède-Lauragais.
Dessin de Lionel DUIGOU /rendu temporaire LQ. Hypothèse.
Le bilan du siège de Labécède-Lauragais pour Olivier

La chronique de Guilhem de Puilaurens nous l'apprend donc : ce siège se solde par une défaite pour les défenseurs. Nous ne sommes que peu renseignés par les sources, mais le nombre des assaillants, la présence de machines de guerre, la durée du siège, et un castrum ne bénéficiant pas de défenses naturelles sur son côté nord, ont certainement abouti à ce résultat.

Toujours est-il qu'Olivier et Pons de Villeneuve comptent à priori parmi les fuyards ayant réussi à quitter les lieux, de nuit. Ils préfèrent ainsi augmenter leurs chances de survie, attendre d'autres moments et batailles, plutôt que subir une répression parfois fatale, même si l'on est une personnalité de haut-rang.

De plus, le lien d'amitié est noué avec Pons de Villeneuve. Les deux hommes vont souvent se retrouver et chevaucher ensemble, et leur lien se renforcera plus tard avec le mariage de leurs enfants.


La soumission au roi de France, le traité de Meaux-Paris.

L'épisode militaire de 1226-1228, connu dans l'histoire de la croisade contre les albigeois come "la Croisade Royale" va aboutir à la défaite, la soumission, des méridionaux, et particulièrement du plus puissant : le Comte de Toulouse.

Toulouse n'est pas prise ou attaquée directement, mais le pays alentour est ravagé, Humbert de Beaujeu appliquant la politique de la terre brulée à une large échelle. Raimond VII demande en novembre 1228 une trève afin de faire cesser les hostilités.

Le 21 novembre 1228, Olivier et Bernard de Termes se soumettent à leur tour, devant des témoins de premier ordre. Ils comptent parmi les derniers seigneurs du Languedoc à ainsi accepter une soumission, mais qui semble négociée. Nous sommes en effet loin d'une reddition sans conditions : les contre-parties, telles que le fait de garder l'essentiel de la seigneurie du Termenès, l'indiquent.

Le 12 avril  1229, Raimond VII de Toulouse signe le traité de Meaux-Paris. Les vingt ans de guerre que l'on nomme "la croisade contre les albigeois" semblent avoir là leur fin. Les conditions draconniennes imposées sous-tendent toutefois que des révoltes et complots vont advenir dans les années suivantes...

 


Ratification du traité par Raymond VII. Paris, Archives nationales, AE-II-230.


De nos jours...

Labécède-Lauragais est une petite commune audoise de 400 habitants avec un petit patrimoine digne d'intérêt, mais ne comportant quasiment aucune trace du castrum de 1227. L'architecture existance est postérieure. La restitution dessinée se base sur quelques probabilités et éléments de comparaison avec d'autres castrums de la Montagne Noire.

En savoir plus est possible avec quelques renvois sur le web :
Quelques ressources et liens pour en savoir plus :

comments powered by Disqus
"Olivier de Termes, une épopée au XIIIe siècle"
Une médiation numérique. Une exposition pour l'été 2024.
Une réalisation de la mairie de Termes et de l'Association de Sauvegarde du château de Termes.
Retourner au contenu